Le prix du secret entériné
© - 2016 - La libre-pensée : Le prix du secret entériné
"Il n'existe pas de bonheur
plus grand que la vérité,
malheur plus grand
que le mensonge."
♥ Mahatma Gandhi ♥
Vous savez ce que j'ai toujours trouvé le plus laid dans la vie ?
Eh bien, à mes yeux, il n'y a rien de plus hideux que le mensonge,
de devoir vivre - avec et sur - le mensonge semé par un tiers.
Quant au vol, ce qu'on vous prend, vous prive,
ce qu'on vous impose, c'est pareil…
Le voilà, le thème choisi pour la libre-pensée d'aujourd'hui.
En cette fin d'année 2016, j'ai souhaité, à ma façon,
faire passer un message, une réflexion via une expérience,
mon expérience.
Bien sûr, toujours en option : Avec ou sans musique.
Celle issue de ma bibliothèque personnelle.
Mais, c'est vous qui choisissez.
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Le Player est juste là, en tout début de l'article,
pour faciliter votre choix de lecture.
Ainsi donc, c'est une libre-pensée très personnelle, intimiste,
pour vous dire ô combien, il m'a été difficile de devoir,
durant très longtemps, dépasser et réparer les erreurs des autres
tant leur impact sur ma vie n'a été que source de tristesse,
d'errance affective comme de souffrance.
Pour commencer, une identité,
voilà ce dont à quoi j'ai été privée.
La mienne…
Et pour enfoncer le clou, il a fallu aussi effacer
toute trace de mon lieu de naissance.
A peine née et déjà affublée d'un certificat de naissance qui s'est,
en fait, transformé un jour en un fake
pour cacher l'horrible trace de la vérité …
Vivre avec cette réalité imposée et sans autre choix
que de cautionner un acte juridique qui, dans son essence même,
est un mensonge, un déni, de mes propres racines,
de ma véritable identité.
Pour l'avoir vécu, lorsque je me suis rendue dans les services
de la DDASS (Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales), j'ai été reçue sur rendez-vous
par un monsieur très gentil.
Un "psychologue" mais rien d'anormal en cela
car découvrir ses origines, la vérité cachée est vraiment,
je vous l'assure particulièrement un choc très violent.
Il m'a donc pendant plusieurs heures prise en charge
et a tourné, avec moi, patiemment, une à une,
les pages du fameux "dossier".
Je ne suis pas née sous X alors j'ai eu de la lecture.
Celui de la petite Zézette abandonnée.
Celui de la petite fille, de quelques semaines,
bourlinguée dès la naissance, dans plusieurs foyers
dont la liste m'a été remise, ainsi confiée à des personnes
qui ne devaient jamais lui manifester le moindre affect.
La règle à cette époque là.
Juste là pour être placée, nourrie, habillée et soignée
mais en aucun cas être câlinée, dorlotée,
embrassée et encore moins aimée.
La petite Zézette ne devait en aucun cas elle aussi s'attacher.
Aucun lien, dans un sens comme dans un autre,
le temps que l'on lui trouve un autre point de chute
à défaut d'être enfin adoptée.
Entre deux familles d'accueil, Zézette était alors remise en foyer,
mêlée à tous ces enfants comme elle, pour surtout "oublier"
et se sevrer d'un éventuel résiduel du dernier foyer-famille
qui aurait eu la malencontreuse idée de donner un peu plus
que ce que les consignes prévoyaient.
Je vous laisse imaginer
l'impact émotionnel de ces allers-retours…
Les premières années d'un enfant sont décisives
sur le regard qu'il aura sur lui même.
A l'âge de 4 ans, j'ai ainsi débarqué,
traumatisée du dernier foyer sevrage, verrouillée à double tour,
dans ma dernière famille d'accueil.
Effarouchée, recroquevillée sur moi même,
je n'ai quasiment pas parlé avant l'âge de mes 13 ans.
Les rapports sociaux joints à ce dossier
vous apprennent sans affect mais fracas l'enfer ainsi traversé.
Je devais repartir, l’âge limite étant écoulé
mais sur la seule volonté et l'amour sans limite d'un homme,
j'ai été ainsi adoptée "in extremis" à l'âge de 15 ans.
Ce fut aussi l'âge où j'ai découvert que mon univers
n'était pas le mien car bien évidemment,
là aussi, le secret était bien gardé.
Jusqu'à mon vrai nom, il m'a été caché.
Comment vouloir encore grandir
face à ce monde adulte fait
de mensonges et de secrets ?
A l'intérieur de ce fameux dossier,
ce monsieur m'a tendu un document et m'a dit :
"Voici votre véritable acte de naissance"
pour ajouter dans le même temps :
"Je vous le montre, je vais vous en donner une copie
mais en réalité, il n'a aucune valeur juridique
car il n'existe plus".
Devant cet homme, l'adulte avait complètement disparu.
L'enfant était de nouveau né ce jour là.
Mon vrai nom, le mien n'existait pas ou plus,
effacé comme si j'avais été reniée une seconde fois.
Ça n'avait donc pas suffi d'être jetée
comme un vulgaire paquet trop encombrant
pour un choix lamentable dont je ne parlerai pas…
Il avait fallu m'enlever cela aussi.
Mais, si en apparence, aujourd'hui,
je suis belle et bien une femme, qu'en est il de l'adulte ?
Le suis-je devenue vraiment un jour ?
"La vérité repose en tout cœur humain.
C'est là que chacun de nous doit la chercher
avant de l'accepter pour guide, telle qu'il la voit.
Mais nul n'a le droit de contraindre autrui
à obéir à sa propre vision de la vérité."
♥ Mahatma Gandhi ♥
Tout est dit dans ces mots.
Voilà pourquoi, je hais le mensonge aussi petit soit il.
Contraindre autrui à obéir
à sa propre vision de la vérité.
Faire mentir et faire vivre dans le mensonge est hideux
quelle qu’en soit la sacro-sainte cause,
qu'elle qu'en soit la loi.
Aussi moche peut être la vérité, elle est "le droit" absolu de chacun
et que pour aucune raison qui soit, on ne peut priver.
Ah bien sûr, j'oubliais, on prend l'excuse que l'on est un enfant
pour décider à votre place sauf que cette décision
se prend "in situ" et sur l'instant…
On est petit donc on n'est pas en mesure de se défendre
et bien évidemment, cette décision qui aura pourtant
un impact lourd de conséquences sur toute votre vie
est présentée comme étant
la meilleure pour vous, dans votre intérêt.
Mais, après cette jolie plaidoirie,
qu'en sera-t-il de l'enfant devenu grand ?
De son droit de réponse, de sa voix ?
Zappé, ignoré, balayé d'un coup de crayon
par une décision entérinée via une jolie signature !
Pour autant, avec le recul, j'ai pour ma part de la chance
puisque cette vérité, j'ai eu la volonté, ou je dirai même,
la force d'aller, un jour, la chercher.
Et j'ai surtout pu la trouver.
Me l'approprier pour pouvoir l'accepter,
me libérer du poids de ses mensonges
et surtout enfin pleinement exister …
C'est ce jour là que je suis réellement née.
Indépendamment de ce qu'elle est, dans sa sinistre réalité,
je m'estime en avoir enfin fini avec ce foutu puzzle
dont certaines pièces m'avaient été purement
et simplement dérobées dès le top départ du défi
qu'a été le sordide début de ma vie...
C'est comme si, j'avais enfin recouvré la mémoire
du morceau de ma vie enlevé, gommé volontairement.
Le prix de la justice, de ma justice, enfin retrouvé.
Récupérer cette mémoire mais à quel prix ?
Voilà sans aucun doute l'une des raisons pour laquelle
je suis et je resterai un électron libre,
resté très sauvage, marqué de mes cages
et difficile à apprivoiser.
Et vous savez vraiment pourquoi ?
Simplement, parce qu'il m'est impossible de m'enraciner
sur un début de nulle part, sans jamais douter de ce qui est,
de ce que j'entends, de ce que je vois.
On nous rabâche que pour tout individu, ses racines,
ses origines sont indispensables à sa construction personnelle.
Et je ne parle même pas ici du nom disparu d'un coup de crayon.
Un nom interdit dont l'usage nous est refusé
et qu'il nous faut là aussi oublié
quand on a eu la possibilité de le connaître.
Se construire sur ce qu'on a pas - ou qu'on ne sait pas - prend
le pouvoir sur vous quoiqu'on puisse faire.
Quant à la vérité, c'est malheureusement oublier le fait
qu'elle est comme l'huile et que tôt ou tard,
elle refera surface d'une façon ou d'une autre.
La vérité de demain se nourrit toujours de l'erreur d'hier.
Erreur reconnue par cet homme de la DDASS
ce jour là en ces termes :
"Vous avez entièrement raison,
on a fait de terribles erreurs
à cette époque là".
Combien d'enfants n'ont pas cette chance ?
Combien d'enfants doivent vivre avec
et sur le mensonge des autres ?
Combien d'enfants sont ils privés
de cette indispensable vérité ?
Vérité pour "accepter" et pour se construire.
Vérité, leur vérité, dont ils pourront
avec de la chance enfin se libérer.
Le levier indispensable pour se lancer
sur le chemin "réalité" de leur propre vie.
Quant à pardonner…
A vous, tous ces hommes bien pensants qui jugent et décident,
sachez que la vérité est une véritable bombe à retardement
car rien ni personne ne peut et ne pourra la contrôler.
C'est juste une question de temps.
Et, plus elle est tardive, plus son impact sera conséquent.
"La vérité nourrit l'âme,
le mensonge la ronge."
♥ Mahatma Gandhi ♥
La vérité, elle se donne comme de l'amour.
Elle vous nourrit.
Mais la vérité, celle cachée, que l'on prend,
volontairement ou non, en pleine figure est telle
un tsunami sur un "Moi" qui alors s'en trouve,
en une seconde, dévasté.
Les dégâts, du moins ceux qu'on voit ne seront alors rien
à côté de ceux à tout jamais ancrés.
Sauf que la mort semée alors en vous
entraîne toujours une naissance…
Sous quelle forme, là sera toute la question.
Vous savez, j'ai compris que la méfiance
n'est pas pathologique en soi.
Sauf que devenant excessive et systématique,
elle condamne celui qui en souffre à l'isolement et à la solitude.
Une phobie sociale en somme qui apparaît
statistiquement sur des personnes
de tempérament hypersensible.
Elles utilisent alors la méfiance comme
un mécanisme naturel de protection et de défense.
Alors, non, rien ne se construit sur le mensonge.
Chercher sa propre vérité n'est elle pas
de pouvoir ressentir que la vie
qu'on mène est bien sa vie à soi ?
Ce qui importe, ce n'est donc pas
le but d'une vie mais bien le chemin…
"La vérité n'est pas le bout du chemin ;
elle est le chemin même."
♥ André Comte-Sponville ♥
Sauf que le chemin prend bien sa source quelque part.
Et qu'a t'on fait de mon quelque part ?
"Quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse,
elle y prend une source telle d'explosion que,
le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle."
♥ Émile Zola ♥
Et sans ce point de départ, où croyez vous
que cet enfant abandonné et rejeté dès la naissance sera ?
Si ce n'est que coincé entre deux mondes.
Celui qui est, celui qu'on lui a inventé, substitué
et celui d'un avant, d'une mémoire effacée,
d'une vérité sous terre, dont il ne sait absolument rien
mais qui le rongera sans relâche au point
tôt ou tard de chercher à la découvrir
et s'en réapproprier.
Ce passé qu'on lui a sciemment et "pour son bien"
muré le passage, le lien, de cette mémoire-racine
qui quoiqu'on en pense, elle, se fera son chemin.
Alors l'écriture, c'est un peu comme le cœur
qui éclate en silence pour évacuer tous ces petits cailloux
de mensonge qu'on lui a distillé dans les veines
ne pensant jamais qu'il le découvrirait...
Parce que tôt ou tard, et en dépit des précautions
savamment "pensées et rédigées" en tribunal-audience,
pour soi disant le protéger, elle jaillira explosive,
au moment où on s'y attend le moins.
Elle explosera alors pour faire tout sauter avec elle
et à jamais le changer sur une vérité de son demain qui
elle sera - ou non - une juste réalité.
Tout simplement parce que le poids de ce passé caché,
qui lui appartenait dès le départ, pourtant bien,
changera son regard, son innocence,
en un présent méfiance désormais empoisonné…
Celui du prix d'un secret entériné.
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